Le fantôme de Foé
Même si les dernières nouvelles se veulent rassurantes quant à la santé de Fabrice Muamba, son accident met le doigt sur un des fléaux du football et du sport en général : les arrêts cardiaques en plein match.
On les sait courtes mais parfois les carrières des sportifs de haut niveau peuvent s’arrêter brutalement et de manière trop précoce. Samedi 17 mars, quart de finale de Cup entre Totenham et Bolton, alors que le score est de un but partout, Fabrice Muamba (42e), le milieu de terrain des Wanderers âgé de seulement 23 ans, s’effondre sur la pelouse White Hart Lane. Le joueur a été victime d’un arrêt cardiaque. Pendant près de 78 minutes son cœur s’est arrêté de battre avant un miracle. Depuis, Muamba s'est remis à parler mais il a échappé de très peu à la mort. Certains joueurs avant lui n’ont pas eu cette chance.
Mort subite !
Les arrêts cardiaques font malheureusement parti intégrante du sport de haut niveau. Ils sont souvent dues à une fibrillation ventriculaire compliquée par une cardiopathie coronarienne débutante qui n’a pas été diagnostiquée. Les facteurs qui les déclenchent sont nombreux et peuvent être en rapport avec des conditions de pratique exceptionnelle : stress, froid, chaleur, fatigue, troubles diététiques, déshydratation, maladie virale, etc… Le cas qui a sensibilisé le monde entier, surtout la France, reste celui de Marc-Vivien Foé. Le 26 juin 2003, lors de la Coupe des Confédérations, le milieu de terrain des Lions indomptables s’écroula en plein match à la 72e minute de jeu, les yeux révulsés. Victime d’une rupture d’anévrisme, il avait été placé en réanimation cardiaque pendant 45 minutes sans réaction positive. L’autopsie a déterminé que la mort avait pour origine une crise cardiaque consécutive à une malformation congénitale (hypertrophie cardiaque). Depuis Antonio Puerta (22 ans, FC Seville), Miklos Fehér (24 ans, Benfica), Phil O’Donell (35 ans, Mothewell) et beaucoup d’autres joueurs pros comme amateurs sont morts subitement. En moyenne, 1200 à 1500 personnes meurent de ce phénomène chaque année en France dont seuls 50 cas concernent les moins de 35 ans.
Prévenir ou guérir
Pour prévenir ces accidents, les sportifs de haut niveau sont tenus d’effectuer un électrocardiogramme obligatoire par an. Ce test permet de dépister 80% des anomalies cardiaques en complément d’une échographie cardiaque et autres tests d’effort réalisés. Fort heureusement, certains malaises ont été maîtrisés avant le coup fatal comme le 18 janvier 2008, à Sedan, quand la vitesse d'intervention des secours et la rapidité de la mise en oeuvre du défibrillateur (principal remède contre les malaises cardiaques) avaient permis de ranimer le joueur des Chamois niortais, Marco Randriana, victime d’un malaise cardiaque. Des joueurs comme Johan Radet (Auxerre), Steve Savidan (Monaco) où Lilian Thuram (PSG) ont été contraints d’arrêter leur carrière à la suite d’examens relevant une malformation. En NBA, le Français Ronny Turiaf (alors aux Lakers) qui avait été opéré à cœur ouvert à cause de ce phénomène avait déclaré: « J’ai triché avec la vie. J’étais presque mort. C’est ce que je dis tout le temps aux gens : je suis béni et je vais bien. Je peux prendre soin de ma famille financièrement. On doit être reconnaissant avec ce qu’on a et ne pas nécessairement vouloir ce que l’on a pas. » D’autres sportifs comme David Sommeil (Valenciennes), ont pu être sauvé mais leurs fonctions se sont détériorées. Les témoignages de ses anciens coéquipiers Ducourtioux et Schmitz à l’époque (2008) sont encore troublants : «On pense alors à un petit malaise, une hypoglycémie. On va lui mettre deux tartes, un peu d'eau sur la tête et ça ira mieux. Djamel (Belmadi) lui crie dans les oreilles. Mais, après l'avoir arrosé et secoué, on se rend compte que c'est plus compliqué que ça. L'étape la plus dure, c'est se dire que c'est grave, qu'il n'y a plus de pouls et qu'on envisage le pire.» Ces mêmes coéquipiers s’étaient alors empresser de pratiquer un massage cardiaque puis un bouche-à-bouche, tandis que Rudi Mater était allé chercher un défibrillateur. Ces gestes de premiers soins ont sauvé Sommeil de la mort.
L’ombre du dopage
Pour mettre fin à plusieurs doutes, la pratique du sport, en elle-même, ne tue pas mais sa surconsommation amène à des catastrophes. Subsiste encore l’hypothèse du dopage. L’apparition constante de pression causée par les enjeux sportifs et financiers a contraint le sportif à se donner corps et âme à l’effort, à se démultiplier, l'amenant parfois à des pratiques excessives ou à un surmenage mental et physique qui peuvent le pousser à tricher. A ce jour, aucune preuve ne rapporte un décès dû à une prise de produits illicites mais à compter le nombre de jeunes joueurs partis trop tôt, on est en mesure de se poser la question. Globalement, la surexposition du sport et son détournement en spectacle font que l’on demande toujours et encore plus de matches. Les calendriers sont surchargés et le rythme des rencontres endiablés sans parler de toute la pression générée autour des jeunes joueurs. Mais faut-il vraiment d’un nouveau cas comme Marc-Vivien Foé ou Fabrice Muamba pour que l’on réalise, une bonne fois pour toute, que les joueurs ne sont tout simplement que des êtres humains et non des robots ?