L'anniversaire oublié !

05/06/2012 à 13:22

Incroyable mais vrai: tout le monde, sauf Foot123 bien sûr, a oublié l'anniversaire du Parc des Princes ! Le stade de la Porte d'Auteuil, considéré par les joueurs pros comme "le plus beau de la Ligue 1", a en effet été inauguré il y a quarante ans, le 4 juin 1972, par le président de la République de l'époque, Georges Pompidou, à l'occasion de la finale de la Coupe de France, remportée cette année-là par l'OM, face à Bastia (2-1).

L'anniversaire oublié !

"En fait, rappelle Roger Taillibert, 86 ans, le génial architecte qui l'a conçu, le Parc avait ouvert ses portes trois jours plus tôt, le jeudi 1er juin, pour un match amical de l'équipe de France amateurs, qui était surtout une répétition générale, à la demande de la préfecture de police, car on ne savait pas trop où on allait en matière de sécurité et de facilités d'évacuation. Le Parc des Princes était en effet alors le stade le plus grand de France puisqu'il pouvait accueillir 50.000 spectateurs!" Une contenance qui avait fait débat puisqu'on avait d'abord évoqué un stade de 100.000 places. Mais dans les années 60, la France n'avait pas une culture sportive suffisante et l'émergence de la télévision, susceptible de vider les stades, estimait-on, avait réduit en cendres ce projet pharaonique. Ou plutôt présidentiel puisque, Paris n'ayant alors pas de maire, tous les projets importants concernant la capitale se décidaient à l'Elysée. "Le général de Gaulle, poursuit Roger Taillibert, a d'abord relancé le sport de haut niveau, car il avait été ulcéré par l'échec cinglant de nos champions aux JO de Rome (1960, 2 médailles d'argent, 3 de bronze). Ensuite, il s'est occupé du grand stade. Et tranché: "Plutôt que de faire un stade de 100.000 places, on va en construire un de 50.000 pour football et rugby à l'ouest, à la place de l'ancien Parc, et un autre de 50.000 d'athlétisme à l'est... qui ne verra jamais le jour!" Aucun concours d'architecte n'avait été lancé, mais M. Taillibert avait deux belles longueurs d'avance sur ses concurrents: l'une dûe à son passé de résistant, auquel le général n'était pas insensible, l'autre parce qu'il avait dessiné une partie des installations de Font-Romeu, la station pyrénéenne que la France avait choisie pour préparer ses champions dans la perspective des JO de Mexico (1968), les premiers d'été organisés en altitude. "J'ai été convoqué un jour de 1966, me semble-t-il, au ministère des Sports où on m'annonce: "On va casser l'actuel Parc des Princes, parce qu'on doit faire passer le boulevard périphérique (qui commençait à ceinturer la capitale) et sur le tunnel on construira un nouveau Parc. Que pouvez-vous nous proposer?" Un mois après, j'y retourne avec une première maquette, qui sera présentée pour accord au général. Mais cela n'a pas été simple..." Ainsi, la FFF souhaitait un stade de 70.000 places, dont 20.000 debout dans les virages, rendu vain par la volonté gaullienne: "Tout le monde, du plus riche au plus modeste, aura une place assise." "De toute façon, nous n'avions que quatre hectares de terrain, soit beaucoup moins qu'à Madrid, Barcelone, Helsinki, et dans toutes les villes où je me suis rendu en observation avant de livrer les plans définitifs du nouveau Parc. Ou alors, il aurait alors fallu détruire le stade Jean-Bouin..." Les contraintes budgétaires feront également renoncer à un parking souterrain qui aujourd'hui fait cruellement défaut. "On avait à peine l'argent pour terminer le stade", sourit M. Taillibert. Le budget intial sera même dépassé en raison des difficultés techniques: "On a d'abord détruit la moitié des tribunes de l'ancien Parc, tout en conservant la pelouse intacte ce qui a permis d'utiliser la moitié restante pour qu'un certain nombre de matches puissent se disputer, entre 1967 et 1969." Au total, la douloureuse, d'environ 150 millions de Francs, fait sourire si l'on songe que quarante ans plus tard, cette somme équivaut à 138 M€, moins que le budget prévu pour la rénovation du Parc afin qu'il puisse accueillir l'Euro 2016 et voie sa contenance portée à 54000 places (150 M€). "J'avais dessiné un stade tout en courbes, parce que cela symbolisait à mes yeux les trajectoires du ballon de football", explique Roger Taillibert, qui estime, avec ce stade en forme d'ellipse parfaite, aux lignes toujours futuristes, avoir "donné ses lettres de noblesse au béton", lequel était alors considéré comme un matériau froid et sans âme. Dans la mémoire toujours vivace du "Père du Parc", les souvenirs se bousculent. "Le jour de l'inauguration, je revois le président Pompidou et Gaston Defferre, alors maire de Marseille, qui s'engueulaient...", sourit-il. Quarante ans plus tard, satisfait du travail accompli, il estime avoir eu droit à une multitude de témoignages de reconnaissance: avec tous les matches qui s'y sont disputés (il n'en manque aucun quand il est à Paris!), mais aussi les personnalités exceptionnelles qui s'y sont produites: Johnny Hallyday, Michael Jackson ou encore... le Pape Jean-Paul II en 1980! Le fait que presque tout le monde ait oublié de fêter les 40 ans de "son" Parc ne lui fait guère de peine. Comme le PSG, qui a également zappé les 30 ans de son premier titre, la victoire en Coupe de France 1982, le presque nonagénaire regarde droit devant lui, vers l'avenir immédiat, à commencer par cette rénovation pour laquelle Jean-Claude Blanc, directeur général du club parisien, l'a consulté il y a quelques semaines...

Guy SITRUK

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